Frédéric Faye

Biographie

Artiste, chercheur, professeur d’expression corps et voix axée sur la neuroscience. Enseigne l’art du « laisser chanter », du « laisser jouer », du « laisser faire », du « mouvement ». Frédéric Faye a fait ses classes au conservatoire en chant, instrument et art dramatique. Ce long apprentissage lui a permis de servir des genres musicaux et artistiques très différents (mélodie française, opéra, musique contemporaine, jazz, rock, chanson, théâtre…) Après de nombreuses années de recherche, il a élaboré sa méthode axée sur la neuroscience qui permet de découvrir ce qui fonde et déploie l’acte artistique ; le chant, la parole, le geste, le mouvement… C’est à partir de cette découverte et de la méthodologie qui en découle qu’il dirige vocalement et artistiquement de nombreux chanteurs et musiciens (Philippe Jaroussky, Salif Keita, Le Quatuor, Pauline Ester, Michel Fugain, Aldo Romano, Etienne Daho, Enzo-Enzo, Médhi Zannad) ; Mais aussi collabore en tant que metteur en scène ou directeur d’acteurs avec Emmanuelle Seigner, Roman Polanski, Emmanuelle Bercot, Louise Bourgoin… Yannick Jaulin (Bouffes du Nord – Théâtre de Chaillot), Pépito Matéo ainsi qu’Elliot Jenicot pour un spectacle sur Raymond Devos à la Comédie Française. Il anime stage et master-class en France, Europe, Canada. Il a par ailleurs, enseigné sa méthode au CNSM de Paris département jazz. Il travaille également en entreprise sur le développement personnel et comment éviter le burn-out. Il accompagne des sportifs pour le mental, le physique et leurs performances singulières.

Une leçon de voix avec Philippe Jaroussky

Le Monde | 09.05.2014 à 10h07 • Mis à jour le 09.05.2014 à 10h14 |Par Marie-Aude Roux

RETROUVER LE NATUREL, LE BIEN-ÊTRE, L'INNÉ

Une maison discrète mais coquette, petit jardin, des fleurs, des fenêtres, c'est là que réside Frédéric Faye, « professeur de voix », professeur de soi, professeur de vie. Cheveux longs lissés noués à la samouraï, Fred nous précède dans la pièce qui sert de salon de musique – un canapé, un piano droit. Lui aussi a été chanteur, d'abord comme soliste dans la Manécanterie des Petits Chanteurs à la croix de bois, puis professionnel, avant d'ouvrir le champ à d'autres musiques d'abord – le jazz, la musique contemporaine –, puis le théâtre, et surtout un gros travail de réflexion sur le geste artistique. « Je suis parti de ces états de grâce que nous connaissons tous, où tout est facile, donné, offert. Et je me suis demandé comment les reproduire, les pérenniser », explique-t-il. Frédéric Faye a peu à peu élaboré une méthode qu'il espère faire éditer un jour, et qui portera son nom. Son credo : « Réconcilier les exigences de l'artiste avec les aspirations de l'être humain. »

Philippe Jaroussky est debout sur le tapis noir. Il a pris la note donnée au piano, puis a piqué en descendant la gamme avec la détermination têtue d'une mésange charbonnière : « Tsî, Tsû, Tsî, Tsû, Tsî, Tsû, Tsî, Tsû ». Chaque son est passé au crible. « Celui-là, tu étais off ! », remarque Frédéric Faye, qui insiste : « Il ne faut pas se réfugier dans l'habitude sous peine de devenir un plagiat de soi-même.. La technique est utile, mais elle est dangereuse. » Sortir de l'intentionnel, de la volonté de convaincre, de la performance, tel est le chemin pour retrouver le naturel, le bien-être, l'inné – ce mieux qui est si souvent l'ennemi du bien. La méthode de Frédéric Faye parle d'épousailles de phonèmes dans la respiration, de parfum, d'empreinte. « Tu dois réunir en toi l'émotionnel, le corporel et l'intellect. Tout doit fonctionner en synergie. »

Depuis huit ans, Philippe Jaroussky combat en lui « le petit monkey » de la perfection, qui donne la primauté à l'intellect. Il travaille à sa propre réunion ou plutôt à sa moindre dissociation, essaie d'être « in » le plus souvent, « off » le moins possible. « J'ai parfois l'impression que je recherche au fond mon chant d'enfant. », dit-il. Les exercices s'enchaînent. « Ja-mais, Ja-mais, Ja-mais », scande-t-il sur la quinte descendante. « Rappelle-toi, le “Ja” doit porter le “Mais” ». Philippe Jaroussky opine : il a lâché, par peur de « poitriner dans le grave », dit-il en enflant mimétiquement la voix. En jean noir, baskets bleues, chemise bleue et blanche à légers motifs, le contre-ténor ne fait pas ses 36 ans. Il a l'application enfantine de l'élève assidu qui ne veut surtout pas être « off » – fermé, tendu, immobile, en apnée. Mais aussi la lucidité de quelqu'un qui connaît parfaitement sa voix. « Le travail avec Frédéric oblige à se poser beaucoup de questions sur soi-même. C'est une école de la connaissance et de l'acceptation de soi. Je suis sorti parfois complètement perturbé de ses cours. »

« DES VOIX FRAGILES EN LIEN AVEC L'ENFANCE »

Ces leçons pas comme les autres n'ont pas remplacé celles que le chanteur continue de prendre avec Nicole Fallien, la mère de Frédéric Faye, qui conduisit ses fulgurants débuts et consolida une carrière qu'elle continue de suivre régulièrement. Elles se sont apposées en parallèle « à un moment où j'avais l'impression de stagner. Je sentais qu'il fallait que je me pose au lieu de continuer à courir les partitions ! ».

La leçon continue, dont les exercices mêmes semblent proférer encouragements et sentences : « Vas-y, vas-y, vas-y », plus tard complété d'un « Sans moi, sans moi, sans moi ». La voix rayonne, projetée dans l'air tel un funambule sans vertige. C'est saisissant. « J'ai toujours été attiré par ces voix fragiles en lien avec l'enfance, confie Frédéric Faye. Quand j'ai entendu Philippe, j'ai eu envie de faire en sorte que cette voix puisse durer toujours, qu'elle s'épanouisse au lieu de se réduire. »

Les exercices sont terminés. Le chanteur veut maintenant essayer un extrait du Stabat Mater de Vivaldi, qu'il est en train d'enregistrer pour Erato et donnera en tournée française fin 2014 avec son Ensemble Artaserse. Pia Mater dum videbat (Cette tendre mère pleurait). « Respire beaucoup, fais simple, recommande Frédéric Faye, avant de pointer : Il y a encore une “psychologie” entre “vide” et “bath” ! ». Philippe Jaroussky reprend, laisse aller la ligne : le vibrato est en résonance avec l'air, la lumière, la vie. Il sourit : « Cette fois, je n'ai rien fait. C'est venu tout seul. » Frédéric Faye laisse tomber à mi-voix : « Se laisser chanter est une action. »


Tous à l'Opéra. Les 10 et 11 mai. Tous-a-lopera.fr

  • Marie-Aude Roux
    Journaliste au Monde